"L'Oiseau dans l'espace", du sculpteur Brancusi

19 Novembre 2017

Né en Roumanie, Constantin Brancusi (1876-1957) émigre à Paris pour se former à l'Ecole des Beaux-Arts. Il devient un artiste important de l'Ecole de Paris. Remarqué par Rodin, il ne reste qu'un mois dans son atelier car les deux hommes n'ont pas la même approche de la sculpture : Rodin impose une forme en modelant dans l'argile son sujet, tandis que Brancusi suit la texture du matériaux pour trouver la forme qui sort de la matière, sans apport de l'extérieur. Sans adhérer aux tendances avant-gardistes de l'époque, il regarde le cubisme mais sa recherche de l'essentiel le conduit à éliminer tous les détails de ses sculptures pour aboutir à la "pureté dans l'abstraction".

Les sculptures de Brancusi, qu'elles soient en marbre ou en bronze, se reconnaissent aux jeux de lumière sur leurs surfaces polies, à l'importance donnée aux socles sur lesquels elles sont présentées, et à la permanence de la forme fondamentale, "élémentaire, universelle et intemporelle", simplifiée jusqu'à l'abstraction. Parmi les très nombreuses sculptures réalisées par l'artiste, quelques-une retiennent plus particulièrement notre attention comme Le Baiser 1908-1938, La Muse endormie 1910, le cycle des Oiseaux avec L'Oiseau dans l'espace 1910-1925 - Léda 1920-1926 - La Colonne sans fin 1918-1938 et Le Phoque 1943. Toutefois la série des Oiseaux tient une place particulière dans l'oeuvre du sculpteur car elle symbolise le mieux ses recherches sur "l'essence du vol" et sa quête constante de spiritualité et de bonheur.

L'Oiseau dans l'espace a été réalisé en seize exemplaires : sept en marbre et neuf en bronze. Cette version en bronze poli de 1923 est une sculpture oblongue aux courbes gracieuses, une sorte de fuseau doré qui se dresse verticalement. L'oiseau mesure 137x22x16 cm. Il est représenté sans plumes ni ailes, son corps est simplement évoqué par un renflement, sa tête et ses pattes se fondant dans la masse. Brancusi a recherché la forme pure qui s'élance vers le ciel. En regardant cet oiseau nous en suivons difficilement les contours car le bronze parfaitement poli absorbe la lumière qui effleure sa surface. L'animal est perché sur un piédestal cylindrique lui-même sur un socle bien intégré à l'oeuvre comme c'est le cas pour chacun des socles des sculptures de Brancusi. Le sculpteur reprendra souvent le thème de cet Oiseau dans l'espace, sa forme parfaite se métamorphosant sans cesse : le pan coupé du bec se modifie, la courbe de l'ellipse s'accentue ou se rétrécie...Cette oeuvre unique a provoqué une polémique lors de son arrivée à New-York en 1926 pour y être exposée. En effet les américains exonèrent de droits de douane les oeuvres d'art, mais pour l'Oiseau dans l'espace, les douaniers refusent de considérer "l'objet en bronze effilé" comme une sculpture ! Ils la saisissent et la taxent injustement. Finalement la justice américaine se décide en 1928 en faveur de l'artiste. Quelle publicité pour une sculpture ! Elle est exposée actuellement à Paris, à la Fondation Louis Vuitton dans l'exposition "Etre moderne, le MOMA à Paris".

Constantin Brancusi a laissé une oeuvre importante d'une étonnante modernité. Sa perception si particulière de l'espace dans lequel s'inscrivent ses sculptures orienta une grande partie de la sculpture contemporaine à partir des années cinquante.

Brigitte Roussey