19 Mars 2018
Lyon - Exposition
Musée d'Art contemporain de Lyon (MAC)
Jusqu'au 8 juillet 2018
La grande exposition du Musée d’Art contemporain de Lyon met en scène actuellement les créations fortes d’Adel Abdessemed (1971), un artiste algérien qui milite contre la violence et les excès des religions. Elle réunit quelques-unes de ses œuvres inédites en France comme Shams 2013 et 2018, de nouvelles créations dont l’Antidote, le titre de l’exposition, ainsi qu’une sélection d’une trentaine d’œuvres de la collection du musée (Concerto pour 4 pianos 1998, de Arman – Silver Surfer Saga 1999, de Erro). Un film contre la violence de Maïté Marra complète la présentation.
Adel Abdessemed est né à Constantine en 1971 ; il vit et travaille aujourd’hui à Paris et à Londres. Contraint de fuir l’Algérie à la suite de drames terribles, il se réfugie à Lyon où il poursuit ses études à l’Ecole des Beaux-arts. Encore étudiant dans les années 90, il rencontre sa femme dans le bar lyonnais : l’Antidote, un lieu qui marquera son œuvre. Ses visions de la violence du monde sont très fortes. Il se présente comme un passeur qui montre des lieux et raconte avec clairvoyance des actes, simplement et sans haine, mais en livrant sans complaisance ses métaphores visuelles de notre monde. Les matériaux utilisés sont pour lui d’une extrême importance (barbelés, dynamite, résine de cannabis, marbre) car il s’en sert pour définir sa propre écriture à travers ses installations, ses sculptures et ses vidéos. Profondément meurtri par ses souvenirs intimes, il les met face au défi qu’il lance à la face des régimes autoritaires et violents comme une "ode à la condition humaine".
Après avoir vu la trentaine d’œuvres de la collection du musée, le public découvre aux deuxième et troisième étages l’exposition « l’Antidote ». Notons quelques œuvres importantes comme Judd 2012, une mise en scène de vieux camions symbolisant l’agitation excessive des villes - La vidéo Printemps, visible à l’ouverture de l’exposition est une vision épouvantable de poulets enflammés rappelant les atrocités commises par le feu. Sous la pression des réseaux sociaux et des militants de la cause animale, cette œuvre excessivement dure est retirée et la salle reste vide.
Puis Aïcha 2017 et l’Antidote 2013, une sculpture-maquette du bar lyonnais.
Face à l'agressivité de la plupart des œuvres, on est surpris par la sensualité qui se dégage de la sculpture en marbre blanc Is Beautiful, 2017, un groupe de trois nus féminins évoquant les Trois Grâces de Canova. Cette sculpture est supposée représenter la chancelière Angela Merkel très jeune, photographiée nue avec deux amies ! Au deuxième niveau de l'exposition la frise monumentale Shams 2013, occupe tout le plateau. Cette immense composition modelée dans l'argile est d’une puissance extrême, une œuvre de souffrance à l’image de l’Enfer de Dante, un portrait contemporain des "damnés de la terre" : De nombreux travailleurs épuisés sont surveillés par des hommes en armes tandis que d’autres, des misérables aux visages ravagés, sont suspendus aux parois. Qu’ils soient mineurs ou maçons, leurs corps façonnés dans l’argile sont terriblement expressifs, courbés et écrasés sous leurs fardeaux trop lourds. La terre n’est pas cuite ; en séchant elle se désintégrera pour tomber en poussière. Oeuvre éphémère hors normes, elle devra être reconstruite à chaque exposition ! Après celle du Qatar en 2013, cette deuxième version a été réalisée sur place par une équipe d’une vingtaine d’ouvriers spécialisés et a nécessité plus d’un mois de travail pour façonner le jute, les techniques mixtes et l’argile, soit 35 tonnes de matériaux utilisés !
Une exposition très contre-versée d’une œuvre « coup de poing » qui choque, qui entretient la polémique et qui défie le politiquement correct. Peut-on considérer comme de l’art cette réponse au combat contre la violence du monde par la violence des images ?
Brigitte Roussey
https://www.le-tout-lyon.fr/adel-abdessemed-sa-vision-forte-du-monde-presentee-a-lyon-9090.html