30 Août 2018
Martigny (Suisse) - Exposition
Fondation Pierre Gianadda
Jusqu'au 25 novembre 2018
La Fondation Pierre Gianadda honore actuellement le grand peintre Pierre Soulages(1919- Rodez), une figure majeure de l’abstraction reconnue comme l’un des plus grands peintres actuel. L’exposition/rétrospective qui lui est consacrée réunit une trentaine d’œuvres réalisées entre 1948 et 2017, issue de la collection du Centre Pompidou, complétée par des prêts du musée Soulages de Rodez et de collections privées, des prêts exceptionnels d’œuvres inédites ou rarement montrées.
Pierre Soulages est très tôt fasciné par le contraste du noir et du blanc, ignorant volontairement les images pour ne retenir que les formes. Ses premières peintures réalisées dès 1934 évoquent des formes, des silhouettes sombres d’arbres dénudés par l’hiver. En 1938 il vient à Paris pour se former dans les ateliers mais, bien qu’il ait été admis à l’Ecole des Beaux-Arts il n’en suit pas l’enseignement qu’il juge dépassé. Il côtoie l’avant garde dans la capitale et découvre avec grand intérêt les natures mortes de Cezanne et les peintures de Picasso à la galerie Rosenberg, puis rentre chez lui à Rodez en 1939. Démobilisé en 1946 il s’installe définitivement à Courbevoie pour se consacrer pleinement à sa peinture. Peintre prolifique, il réalise plus de 1600 peintures, 600 papiers, gravures et lithographies.
Son abstraction non géométrique est austère et raffinée avec des couleurs très sombres générant une énergie qui frappe le spectateur. Il peint sans idées préconçues et sans codes, en laissant venir l’imprévu. Comme ses peintures ne racontent rien elles n’ont pas de titres et seules la matière, les dimensions et la date sont notées.
Soulages expérimente des matériaux nouveaux comme le brou de noix pour la puissance de sa couleur, qu’il étale sur le papier avec des brosses de peintre en bâtiment puis le goudron opaque ou transparent avec lequel il peint sur des morceaux de vitres. Ces goudrons marquent une rupture radicale dans son travail car à partir des années cinquante il considère le noir comme une couleur qu’il confronte aux autres couleurs. Dès 1979 Soulages se consacre au travail du noir ou « Outrenoir », qui résume ses recherches sur les différentes intensités de la lumière reflétées par le noir, le noir étant pour lui la couleur originelle, celle qui est synonyme de vie. Il structure alors ses toiles en épaisses bandes verticales et horizontales autour d’espaces plus clairs, obtenant des clair-obscur d’où émerge la lumière. Il peint à l’huile qu’il travaille pour laisser s’accrocher la lumière mais à partir de 2004 il utilise l’acrylique qui lui offre de nouvelles possibilités dans la réflexion de la lumière. En effet avec cette peinture qui sèche plus vite, il peut travailler l’épaisseur de la matière et la recouvrir de hachures et d’entailles.
Le parcours de l’exposition est chronologique. Il débute avec une très belle série de brous de noix des années 40 à la gestuelle puissante (Brou de noix sur papier 65X50cm – 1948). Puis deux goudrons sur verre et la série des grandes peintures noires, à l’huile ou à l’acrylique (Peinture 202X453cm – 1979).
Une exposition réussie quoique attirant peu le grand public. Nous regrettons la fixité des sources lumineuses qui ne mettent pas toujours en valeur le jeu des reflets à la surface des toiles noires. Il faut alors se déplacer pour modifier les points de vue et capter au mieux les réflexions de la lumière. De plus l’ambiance naturellement sombre du bâtiment n’est pas le meilleur écrin pour les toiles noires du peintre.
Pierre Soulages a 98 ans ; il n’a cessé pendant sa longue carrière artistique de nous "conduire vers la lumière ".
https://www.le-tout-lyon.fr/pierre-soulages-a-martigny-suisse-9816.html
Brigitte Roussey