Kees Van Dongen, "Femme devant une porte"

Commentaire artistique

Kees Van Dongen (1877-1968) a été ce peintre excentrique, singulier et déroutant qui a enflammé Paris dans les années 20. Paris est alors la capitale de l’avant-garde internationale, le creuset d’où sont partis successivement des mouvements artistiques importants qui ont marqué l'histoire de l'art. Très vite célèbre puis un peu boudé, Van Dongen reste encore aujourd’hui une figure énigmatique bien qu’il soit considéré comme l’un des artistes incontournables de l’art du XXème siècle.

D’origine néerlandaise, il arrive à Paris en 1899 et se lie très vite avec l’avant-garde bohème et révolutionnaire qui explose dans la Capitale. Il s’installe au Bateau-Lavoir en 1905 mais Il n’y résidera que deux années qui auront cependant sur la suite de sa carrière une influence considérable. La force de sa peinture le fait vite remarquer par ses contemporains, ce qui lui permet de troquer sa vie de bohème contre celle des cercles mondains européens qui assoient ainsi sa réputation de portraitiste mondain.

Van Dongen s'impose dans le Paris des Années Folles. Ses rencontres avec les artistes ne sont pas anodines car, en regardant ce que font les autres, il en profite pour enrichir son vocabulaire artistique. Ouvert aux avant-gardes pour ce qu’elles peuvent lui apporter, il lui arrive parfois même de plagier certains artistes comme Monet, Degas ou Toulouse-Lautrec. Son œuvre n’a pas suivi la vague artistique partie de l’Impressionnisme jusqu’au Cubisme comme l’ont fait celles de ses contemporains Derain, Braque ou Dufy, préférant expérimenter le néo-impressionnisme puis le tachisme avant d’adopter le fauvisme dont il devient l’un de ses représentant les plus audacieux.

Grisé par son succès, Van Dongen se consacre alors exclusivement à la nouvelle élite parisienne : les gens de lettre, les stars du cinéma et du théâtre, et les mondaines qui se bousculent pour être portraiturées par la « coqueluche » de Paris. Malgré un travail jugé répétitif, l’artiste a eu le mérite de remettre à l’honneur le portrait en inventant le portrait moderne avec ses poses et ses attributs.

Femme devant une porte au Louvard - 1925

« Femme devant une porte à Louvard » est une huile sur toile datée approximativement de 1925 ; elle est conservée au musée de Valence (Drôme). Le sujet parait banal : une femme inconnue représentée en pied, se tient debout devant sa porte entre-ouverte. On reconnait la catégorie sociale à laquelle elle appartient grâce à ses habits et au décor de la scène. Le sujet est pris sur le vif comme si la jeune femme venait de fermer sa porte. Elle est élancée, racée, hautaine, mais trop maquillée. La construction du tableau est classique, avec une perspective qui privilégie les verticales. Les tonalités de la peinture sont douces : des blancs, rosés, gris et bleus, complétées par un arc chromatique solide de pointes de jaune pour la chevelure, de bleu foncé pour la ceinture de la robe et de vert, cerne vert limitant le bras droit. La touche est légère pour le fond et empâtée pour les perles du collier et les bagues et bracelets. Cette femme marque une distance avec le spectateur en le fixant de ses grands yeux. Son corps est mis en valeur par les tonalités raffinées et la lumière douce qui baigne la scène.

Van Dongen a peint plusieurs autres portraits dans la même veine raffinée. Ils tranchent par leur raffinement avec les oeuvres postérieures.

Mademoiselle Geneviève Vix dans le rôle de Salomé - 1920

La terrible crise économique de 1929 frappe de plein fouet Kees Van Dongen qui se replie sur lui-même et ne produit presque plus rien. Par la suite ses créations considérées comme trop commerciales provoquent leur décote.

Bien qu’irrégulière, l’œuvre laissée par le peintre témoigne avec panache de sa verve, de sa liberté et de son actualité.

Brigitte Roussey