Victor Brauner, un peintre surréaliste déchu

Né en Roumanie, Victor Brauner (1903-1966) assiste en cachette lorsqu’il était enfant à des séances de spiritisme organisées par son père, ce qui sans doute explique son attirance pour le monde insolite et pour le merveilleux. Il commence à peindre dès 1917 après avoir suivi une formation à l’Ecole des Beaux-Arts de Bucarest. Cependant ses travaux jugés scandaleux le font renvoyer de l’établissement. Dans les années 20 il se joint à l’avant-garde de Bucarest avant de s’installer à Paris en 1930, accueilli par son compatriote et ami Constantin Brancusi. Dans la Capitale Il s’intéresse aux courants artistiques comme l‘Expressionnisme, le Constructivisme ou le Dadaïsme et il intègre en 1933 le mouvement surréaliste dont il sera exclu en 1948.

Brauner est ce peintre rebelle qui dénonce dès 1932 le conformisme de la société bourgeoise en la représentant dans un style délirant et agressif. Sa rencontre avec Tanguy et les surréalistes provoquent un tournant important dans sa carrière. Le « Pape » du Surréalisme André Breton l’admet dans son cercle et écrira même la préface de sa première exposition parisienne en 1934.

Au cours d’une rixe en 1938 Brauner reçoit dans l’œil un projectile qui ne lui était pas destiné. Cet accident qui lui fait perdre l’œil gauche le marque profondément et ouvre pour lui une période féconde au cours de laquelle il affirme son obsession de l’œil transpercé ainsi que ses rapports étranges avec le réel et l’irréel. Sa peinture s’anime alors de figures chimériques à caractère ésotérique.

Comme il est juif, la guerre le contraint de vivre dans la clandestinité. Pendant l’Occupation il s’installe dans un petit village de Savoie où sa vie est difficile. Son manque de moyens lui fait mettre au point une technique économique pour peindre, qui consiste à mélanger de la cire à sa peinture à l’huile. Ce nouveau procédé de « peinture à la cire » sera complété par d’autres mélanges avec du sable, de la terre et de la ficelle, des éléments que l’on retrouve dans plusieurs de ses compositions. Excellent dessinateur, il prépare toujours ses tableaux par de nombreux dessins et esquisses, ce qui lui permet de ne pas suivre uniquement son intuition. Il puise ses sujets dans la mythologie et dans l’art populaire et tous transcrivent ses rêves et ses fantasmes dans un monde onirique et imaginaire.

Les peintures réalistes effrayantes de Victor Brauner, Surréaliste

L’après-guerre lui redonne sa liberté de création sans toutefois atténuer ses angoisses et ses tourments. Son nouveau langage ne décrit plus le réel mais « les ressorts invisibles du monde ». Exclu en 1948 du mouvement surréaliste pour sa mégalomanie et ses outrances, il est retenu quelques années plus tard pour représenter la France à la Biennale de Venise de 1966. Il s'éteint la même année des suites d'une longue maladie.

Victor Brauner laisse une œuvre importante et variée qui témoigne de sa passion pour les sciences occultes. Elle traduit ses interrogations sur l’Univers et sur les forces qui l’entourent.

Brigitte Roussey