L'art abstrait d'Otto Freundlich

26 Septembre 2020

Paris - Exposition

Musée de Montmartre

Jusqu'au 21 janvier 2021

Il est des artistes dont le travail est encore trop méconnu ! Justice est faite puisque le Musée de Montmartre à Paris consacre son exposition à l’un des grands créateurs de l’art non figuratif, l’un des pionniers de l’abstraction : Otto Freundlich (1878-1943). Peintre et sculpteur allemand, il a défendu toute sa vie l’art nouveau malgré le contexte tragique de l’histoire de l’Europe dans la première moitié de XXème siècle. Humaniste, ses œuvres ont une dimension morale et politique qui a contribué à la naissance de l’abstraction.

La destinée bouleversante de l’artiste

La vie d’Otto Freundlich est une immense tragédie ! En homme libre et juif, il est resté fidèle à ses convictions artistiques, politiques et humanistes d’où ses nombreux internements dès 1939 dans des camps d’extermination avant d’être assassiné dans le dernier en Pologne, en mars 1943. Son œuvre a été en partie détruite, les nazis considérant l’art moderne comme un art dégénéré. Il repeindra d’ailleurs de mémoire plusieurs de ses toiles en 1941 et 1942.

Les Signes - 1919-20. Gravure sue zinc sur papier

Né dans une famille allemande d’origine juive, il étudie à Munich l’histoire de l’art et la philosophie, et rencontre en 1904 Kandinsky et Paul Klee. Après deux séjours en Italie où il s’initie à la sculpture, il découvre Montmartre et l’avant-garde artistique de l’époque. Dans son atelier rue des Abbesses il réalise en 1911 sa première peinture abstraite : « Composition ». A la fois peintre et sculpteur, il s’intéresse aussi à la mosaïque, à la tapisserie, au vitrail et la gravure. Après avoir approché le mouvement dada, il s’installe définitivement à Paris en 1928 pour rejoindre les groupes « Cercle et Carré » en 1930 et « Abstraction-Création » en 1931.

Une œuvre dynamique et puissante

Ses œuvres sont lumineuses et très construites. Les couleurs très vives de sa palette contribuent à la dynamique de la construction des tableaux et sa touche fragmentée oriente les circulations visuelles d’un plan à un autre. Ses dessins et ses gravures privilégient les jeux des courbes et des contre-courbes tournoyantes, et ses peintures, les plans chromatiques fragmentés qui organisent et orientent les forces présentes dans ses compositions qui deviennent de plus en plus complexes.

Une exposition très documentée

L’exposition présente sur deux niveaux près de 80 œuvres regroupées en huit séquences chronologiques : des sculptures, peintures, vitraux, mosaïques et œuvres graphiques. Une sélection unique de documents complète la présentation. Les visiteurs peuvent ainsi appréhender l’œuvre de l’artiste dans sa totalité.

Homme devant une fontaine. Gouache - 1911-1942

Le parcours débute avec « l’Homme devant une fontaine », une peinture de 1911 détruite par les allemands puis peinte à nouveau de mémoire par l’artiste en 1942, et « Composition » de 1911, une grande toile qui inaugure la première phase abstraite du travail d’Otto Freundlich. Un peu plus loin trois vitraux de 1919, 1924 et 1934, accompagnés de leurs dessins préparatoires. Entre 1919 et 1928 on note une nette évolution dans le style de l’artiste : « Composition » de 1919, un pastel sur papier. Les formes en demi- ogive apparaissent alors dans les compositions. Trois tableaux témoignent de sa maturité comme « Composition » de 1930 où les éléments géométriques sont agencés de telle sorte qu’ils suggèrent la construction d’un mur. "Hommage aux peuples de couleur" de 1935, une tempera monumentale qui sera reprise en 1938 dans le même format, mais en mosaïque. Toutes deux témoignent de son engagement contre le racisme et la xénophobie.

Hommage aux peuples de couleur - 1938. Mosaïque

L’après 1935 marque l’éclatement des masses chromatiques. Le parcours se termine avec « Phare des sept arts », une maquette en plâtre d’un projet de 1941 qui ne sera pas réalisé.

Cette rétrospective remarquable est la première à Paris depuis 1969. Otto Freundlich a laissé une œuvre très importante qui marque l’histoire de l’art du XXème siècle.

Brigitte Roussey