13 Avril 2021
Commentaire artistique
Achille-Emile Othon Friesz dit Othon Friesz est né au Havre en 1879 ; il meurt subitement à Paris en 1949. Peintre et graveur, il s’est formé à l’école des Beaux-Arts du Havre avec Georges Braque et son ami Raoul Dufy, puis à Paris en 1897. Ses premières années havraises sont conventionnelles jusqu’à ce qu’il trouve sa voie dans le sillage des Impressionnistes Guillaume et Camille Pissarro. Après avoir observé le travail de Vincent Van Gogh et de Paul Gauguin, il rejoint l’aventure du Fauvisme et expose quelques-unes de ses toiles au Salon d’Automne de 1905, avec Matisse, Marquet, Manguin, Vlaminck et d’autres encore. L’année suivante il séjourne à Anvers puis dans le midi de la France à l’Estaque, à la Ciotat et à Toulon.
A partir de 1909 la palette du peintre se modifie car il semble se méfier de la couleur fauve utilisée arbitrairement et pure, posée en larges aplats qui priment sur le dessin. Comme il la juge excessive et désordonnée, il revient à une structuration rigoureuse de ses compositions empruntée à Cézanne qui le séduit par son naturalisme. Peu intéressé par le Cubisme, Othon Friesz peint des paysages imaginaires, animés ou non par des personnages, des natures mortes modestes et de belles marines (sa série de Cassis).
Son grand tableau « Adam et Eve » de 1910 inaugure ces années d’avant- guerre au cours desquelles il définit son style qui oscille entre tradition et modernité. De ses années fauves il garde la vivacité du trait et le goût pour les contrastes de la couleur. Fauve sans l’être totalement il a été l’artiste le plus « lyrique » du groupe.
En 1912 il ouvre son premier atelier en Normandie. De retour à Paris, il voyage puis peint quelques toiles cezaniennes dans leur conception comme « La Calanque », « La Sieste » et le « Nu au hamac ». A l’inverse de beaucoup de ses amis, Othon Friesz ne peint jamais à l’extérieur sur le motif et ne cherche pas l’émotion directe du lieu et du sujet car il repense complètement ses tableaux en atelier après avoir étudié la structure intime des personnages qu’il adapte à ses paysages.
Analyse du tableau « Nu au hamac » ou « Le Hamac »
Peinte en 1912, cette grande huile sur toile de 79X150cm a été acquise par le Musée des Beaux-Arts de Lyon en 1961 lors d'une vente de prestige à Paris. Elle a été précédée par une étude de 1912, à l'aquarelle et encre de Chine, qui est aussi conservée au musée de Lyon.
La rigueur de sa composition permet de la considérer comme une peinture pré-cubiste. Certains la qualifient de "baroque" même, par le dynamisme linéaire de ses courbes et de ses contre-courbes, par ses formes sinueuses qui rythment la composition encore classique se limitant en deux verticales : les deux arbres, et en quatre horizontales : le sol, la femme et son hamac, la mer et le ciel.
Le paysage est rocailleux mais tout est rond et harmonieux. Deux groupes d’arbres se répondent en encadrant la femme nue endormie. Un ciel tourmenté aux larges nuages blancs se reflète dans la mer d’un bleu profond. Le dessin ici sévère est appuyé par des cernes sombres et la gamme réduite de couleurs est dominée par des vert, bleu et mauve assourdis.
Le « Nu au hamac » est un tableau peu connu dans l’œuvre d’Othon Friesz mais il n’en est pas moins très intéressant car il clôt sa période « fauve » et annonce l’évolution de son style qui devient de plus en plus tourmenté, surtout après la guerre. Trop vite considéré comme un peintre « fauve », les quelques années pendant lesquelles l’artiste a rejoint le mouvement ne représentent, en fait, qu’une petite partie dans son œuvre importante qui est à redécouvrir.
Brigitte Roussey