"Disparates", sur les pas de Goya, à Lyon

18 Janvier 2023

Lyon - Exposition

Galerie Ories, rue Auguste Comte

Jusqu'au 4 mars 2023

"Le Sabat des sorcières" d'E. Renard et S. Sainrapt.

Qu’il est intéressant de découvrir un travail à 4 mains ! C’est ce que propose actuellement la galerie Ories de Lyon avec sa nouvelle exposition « Disparates » qui réunit le travail de deux femmes peintres et amies ayant décidé de réaliser des gravures originales ensemble. Emmanuelle Renard (1963) et Sophie Sainrapt (1960) forment un duo unique qui a réuni, avec succès, dans des œuvres communes, leurs approches artistiques différentes.

Ce travail à 4 mains a nécessité pour les deux artistes une certaine liberté et une grande ouverture à l’autre car cette expérience n’était pas sans risque puisque chacune devait expérimenter de nouveaux territoires et mettre en place un dialogue animé entre leurs motifs. L’on voit que la mise en commun de leurs sources d’inspiration, choisie sous les auspices de Goya, est très positive.

Dans leurs références à Goya, elles ont mis en avant la liberté de ce dernier, un artiste libre, provocateur et humaniste, et repris même certains de ses sujets dans 3 gravures, mais en les interprétant, en les détournant de leur sens et en trahissant aussi l’orientation du maître. En fin de compte, leurs créations puissantes, qu’elles soient réalisées à 4 mains ou seules, rejettent l’héritage quelque peu effrayant et mortifère de Goya pour se tourner vers un traitement plus « romantique » du sujet, de la lumière et des couleurs, malgré les sorcières, boucs grivois (Sabbat des sorcières), tête de mort, chouette, femme hybride, et autres symboles inquiétants qui peuplent leur univers.

Une fois gravées, leurs oeuvres sont retravaillées à l’atelier en mêlant de la peinture à de l’encre d’imprimerie, puis en modifiant et en estompant les formes ou en intensifiant la puissance de la lumière, en se servant de leurs pinceaux, de coton-tige ou même de leurs doigts ! Emmanuelle Renard revient souvent sur son motif tandis que Sophie Sainrapt privilégie les formes plus « brut », plus spontanées. Toutefois l’on perçoit dans chacune des gravures, la réussite de leurs négociations.

Sophie Sainrapt privilégie les récits érotiques en s’appuyant sur la sensualité du corps de la femme, tandis que l’on découvre chez Emmanuelle Renard un baroque expressionniste habité d’animaux fantastiques et baigné de couleurs franches. En disloquant ses formes puissantes, instables et menaçantes, elle pousse son art au bord d’un certain paroxysme.

Le monde fantastique et espiègle de ces deux peintre est à découvrir avec beaucoup d’intérêt dans cette exposition très réussie.

Brigitte Roussey