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BlablaARTS - Brigitte Roussey

Expositions - Beaux-Arts

"Les tricheurs", de Caravage

Commentaire artistique

 

"Les tricheurs" vers 1595. Musée de Fort Worth

Pendant la Renaissance italienne, les parties de cartes étaient le divertissement favori des classes aisées, mais les représentations sont rares ! Ce tableau exceptionnel a été commandé à Caravage vers 1595 par le Cardinal del Monte, son premier protecteur et mécène, pour enrichir sa collection. Acheté ensuite par le Cardinal Barberini, il reste dans sa famille jusqu’à la fin du XIXème siècle. Puis le tableau change de propriétaire en 1895 et entre dans la collection du prince Mafeo Ciara, avant d’être acheté en 1987 par le musée Fort Worth où il est conservé dans ses collections. Le second tableau est exposé au musée de l’ordre de Saint-Jean à Londres.

Il existe plus de 30 copies de l'oeuvre, mais seules deux versions sont confirmées de la main de Caravage. Ces deux œuvres de jeunesse ont été peintes dans les années 1595-1596 a été longtemps considérée comme le tableau original malgré la présence de deux personnages. C’est l’une des nombreuses copies de la peinture.

La Diseuse de bonne aventure. Vers 1595

Nous pouvons rapprocher deux tableaux peints par Caravage en 1595-96 : « la Diseuse de Bonne Aventure » et les « Tricheurs » car ils mettent en scène des personnages issus du peuple, représentés à mi-corps dans des costumes voisins qui se détachent sur des fonds sombres unis.

Les deux versions confirmées du tableau sont très intéressantes à étudier aussi bien pour l’action dramatique qu’elles dégagent que pour les nombreux rappels iconographiques auxquels elles se réfèrent. Le sujet des tricheurs évoque le drame de la tromperie face à l’innocence. C’est l’allégorie du bien et du mal qui encourage à se méfier de la naïveté en restant attentif ! Le jeu de carte est associé au vice et à la symbolique du toucher, le jaune étant la couleur traditionnelle associée à la tromperie.

Les deux tricheurs (détail)
Détail du col du joueur

Le tableau mesure 94,2cm sur 131,2cm. La scène est resserrée autour de trois hommes représentés à mi-corps, face au spectateur qui est invité par le peintre à participer à la scène. Ils sont assis autour d’une table à jeu dans un espace sombre qui intensifie l’aspect dramatique de la composition. Seuls deux d’entre eux jouent aux cartes. La lumière arrivant par la gauche donne une dimension théâtrale à la scène. Elle glisse sur les visages et fait briller les étoffes des costumes. Le personnage concentré sur son jeu ne remarque pas les manipulations des deux autres. Il est détendu alors que les tricheurs paraissent nerveux. Le joueur assis en face lui le regarde tout en prenant dans son dos des cartes dissimulées dans sa ceintures. Celui debout au centre examine sans vergogne le jeu du joueur et envoie des signes de la main à son compère pour lui indiquer ce qu’il voit. Nous remarquons que les deux tricheurs ne sont pas du même milieu que le jeune joueur.

Le deuxième tricheur (détail)
L'autre tricheur (détail)

De format horizontal, le tableau a une composition pyramidale animée par le jeu des mains des joueurs. Aucun décor ne vient distraire le spectateur témoin de la scène. On note le réalisme des gestes, des costumes (les trous au bout des gants du complice), et les expressions des visages aux traits amplifiées par les jeux d’ombre et de lumière. La palette lumineuse caractéristique de la peinture de la Lombardie aux couleurs intenses de rouge, d’ocre, de rose dans la plume du chapeau du tricheur, qui contrastent avec le noir du vêtement du jeune dupé, et les rayures jaunes et noires de la veste de l’un des tricheurs.

La tricherie (détail)

L’analyse du tableau par réflectographie infrarouge dévoile de nombreux repentirs et l’absence d’esquisses préparatoires. La toile a donc été peinte directement !  

Ce chef-d’œuvre de Caravage qui domine l’histoire de l’art a eu une influence très importante en Europe : en France, en Espagne et dans les écoles du Nord. Citons les peintres suiveurs : Nicolas Reynier, Georges de la Tour (Le Tricheur à l’as de carreau et le Tricheur à l’as de trèfle 1635-1638), Valentin de Bologne (Les Tricheurs 1615-1618), Bartolomeo Manfredi (Les joueurs de cartes 1618) ou Honthorth.

Cette œuvre immense, émouvante et fascinante ne cesse de nous interpeler par sa technique, sa puissance et son étonnante modernité.

Brigitte Roussey

 

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