Expositions - Beaux-Arts
15 Janvier 2018
Le Catalan Juan Miro (1893-1983), grand artiste du XXème siècle, reste inclassable malgré une oeuvre très importante : plus de 2000 huiles, 500 sculptures, 400 céramiques et environ 8000 dessins !
Après avoir contracté le typhus, le jeune Miro doit s'isoler, aussi s'installe-t-il en 1911 dans la ferme familiale à Montroig. C'est là qu'il prend conscience de son attachement pour la terre catalane qui restera la source inépuisable de son inspiration. Une fois guéri il découvre l'art moderne dans une galerie de Barcelone. En 1919 il se rend à Paris, trouve un atelier et se fixe dans la Capitale, le creuset de l'avant-gardisme. Il y rencontre de nombreux peintres et écrivains de divers horizons qui deviennent ses amis et avec lesquels il élabore un nouveau langage pictural. Après avoir expérimenté sans grande conviction le Fauvisme et le Cubisme, Miro se rapproche du groupe des Surréalistes dont il apprécie l'humour décalé et la propension au rêve. Il dirige alors ses recherches vers la profondeur de l'inconscient et le monde de l'onirisme qui deviennent maintenant ses principales sources d'inspiration.
Miro peint le Paysage catalan ( le Chasseur ) en 1923-1924. C'est une grande toile de 64,8 sur 100,3 cms, l'une de ses oeuvres les plus importantes car elle marque une étape décisive dans l'élaboration de son style : la stylisation systématique de ses formes, chaque élément apparaissant comme une sorte d'idéogramme qui tient lieu de langage. Il réalise deux dessins préparatoires avant de commencer à peindre sa toile. Le premier est réaliste tandis que le deuxième renferme déjà presque tous les éléments de la composition. Le tableau, plus aérée et plus simple, est baigné dans une atmosphère méditerranéenne aux couleurs lumineuses de jaunes et d'ocres. L'artiste y raconte une histoire où toutes les formes prennent vie : chasseur, fusil, lapin, arbre, oeil, feuille, sardine gobant une mouche, drapeau catalan rouge et jaune, soleil...La composition se réfère à trois principes : le principe terrestre, avec la couleur ocre, l'aérien : le jaune, et le marin avec les vagues, la bouée et les mouettes. La ligne sinueuse qui partage la toile en deux parties est ambiguë car irréelle. Est-ce une ligne d'horizon ? On note dans la composition l'opposition des formes droites (le fusil...) et courbes (le cercle central, l'oeil... ), qui lui donne du rythme, accentué par le ballet des petites figures sans échelle. Tout semble flotter en apesanteur ! Ce tableau peut être rattaché à un autre peint aussi en 1923-24 : Terre labourée, dans lequel l'on retrouve la même stylisation et les mêmes signes comme l'oeil ou le drapeau. En peignant ce tableau, Miro a mis au point un nouveau langage qui est bien sûr proche de celui des surréalistes, mais sa peinture est plus une vision lyrique de la réalité qu'une volonté de transmettre des idées et des messages, prônée par ces derniers. On note que ce tableau a influencé Picasso pendant sa période surréaliste en 1927, ainsi que l'expressionnisme abstrait américain. Il illustre la période de transition de l'artiste, une période gaie, enjouée et très humoristique. Le drame de la guerre d'Espagne est encore loin.
Jusqu'à sa mort Miro a fait évoluer son oeuvre en simplifiant ses formes et ses signes tout en restant fidèle à son univers léger , dansant, et éclatant de lumière.
"Surréaliste Miro ? Non d'après André Breton, le "pape" du Surréalisme, mais Surréaliste tout de même" !
Brigitte Roussey