Expositions - Beaux-Arts
18 Avril 2020
Commentaire artistique
Le grand amateur d’art et collectionneur américain le Docteur Barnes, invite en 1930 Henri Matisse à Mérion, près de Philadelphie (USA), pour lui faire part de son projet de décoration de la salle d’honneur de sa Fondation. Il le laisse libre du choix du thème de son travail. Henri Matisse (1869-1954) choisit d’exécuter une œuvre sur la danse qu’il devra intégrer dans un cadre architectural, ce qui est très nouveau pour lui ! Il a 61 ans ! Le sujet de la danse lui est cher puisqu’il a traité auparavant ce même sujet dont la superbe « Danse » du musée de l’Ermitage de Saint Pétersbourg et la version de 1909 du MOMA de New-York. Il réalisera trois versions pour la commande du docteur Barnes dont les deux premières abandonnées, sont conservées au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris.
La première version peinte en 1930-31, est une huile et fusain. Elle reste inachevée car Matisse trouve qu’elle n’est pas assez décorative. L’œuvre est retrouvée en 1990 roulée dans son atelier niçois.
Pour réaliser sa deuxième version en 1932, Matisse abandonne la technique de l’huile sur toile pour traiter différemment le même sujet mais en utilisant des papiers qu’il peint à la gouache en gris, bleu, rose et noir, et qu’il découpe et déplace sur des toiles fixées aux murs. Onze papiers colorés lui seront nécessaires. Cette technique des papiers découpés est toute nouvelle pour lui alors qu’elle est classique pour les cubistes. Malheureusement à la suite d’une erreur de côtes, cette grande composition à cinq figures, d’environ 50 m2, est trop petite pour l’emplacement prévu !
La version définitive installée en avril 1933 à la Fondation Barnes, réunit huit figures aux formes courbes traitées en aplats gris. Elle est divisée en 3 lunettes semi-circulaires séparées par les arcs de retombée de la voute. Elle mesure plus de 13m de longueur, 3,50m de hauteur et elle est présentée à 6m du sol. Ses études préparatoires ne satisfont pas Matisse, aussi décide-t-il de travailler au format réel de l’œuvre et fait installer ses toiles à leurs places définitives. Il utilise à nouveau le principe des papiers colorés découpés, mais surtout il trace ses figures au fusain fixé sur un long manche en bambou, ce qui lui demande une précision parfaite du geste, puis il les peint à l’huile dans une couleur grise.
Deux figures sont mises en scène dans chaque lunette reliée aux deux autres par deux figures accroupies. Elles sont sans ombres ni modelé ou dégradé, et se détachent sur un fond composé de bandes bleu dur, rose vif et noir. Le rythme des figures forme un mouvement rotatif comme des sortes de roues humaines. Ce ne sont plus des danseurs mais des formes qui évoluent sur un fond tantôt clair ou tantôt foncé. L’éclatement et le jaillissement des formes donnent un bel effet décoratif, le contraste des lignes courbes des corps et rectilignes des bandes du fond s’accordant avec le jeu des silhouettes. Les parties roses et bleues accueillent les figures au dialogue gestuel tandis que les deux bandes noires correspondent aux deux figures statiques accroupies.
Les trois panneaux monumentaux, bien que séparés par la retombée des voutes, sont traités en continu tout en respectant l’architecture du lieu.
Cette peinture murale exceptionnelle témoigne de la joie de peindre qui a habité Matisse pendant toute la réalisation de sa commande. Elle constitue un jalon important dans son œuvre en marquant un renouveau dans son style. Son influence sera très importante sur de nombreux artistes en France comme aux Etats–Unis.
Brigitte Roussey