Jean Dubuffet à Martigny

Martigny (Suisse) - Exposition

Fondation Pierre Gianadda

Jusqu'au 6 juin 2022

La Fondation Pierre Gianadda à Martigny (Suisse) consacre sa nouvelle exposition à l’œuvre du grand artiste français Jean Dubuffet (1901-1985). Elle met en évidence comment ce dernier, à la fois peintre et sculpteur, s’est amusé à bousculer les conventions artistiques. Précurseur de l’Art Brut, ce genre pictural nouveau s’inspire d’oeuvres d’artistes autodidactes, marginaux, sans aucune culture artistique ! Jean Dubuffet est un anticonformiste qui rejette la vision élitiste de la culture pour remettre en question les formes, les matériaux et les techniques.

Admirée ou critiquée, son oeuvre ne laisse personne indifférent !

Jean Dubuffet est issu d’une famille de négociants en vins qui ne le prédispose pas à la peinture. Mais très vite il s’intéresse à l’art en s’inscrivant dès son arrivée à Paris en 1918, aux cours de l’Académie Julian qu’il abandonne vite pour suivre la vie bohème littéraire et artistique de Montmartre. Rentré chez lui au Havre pour travailler dans le commerce des vins, insatisfait, il revient à Paris en 1933 pour confectionner des marionnettes et des masques. Partagé entre le commerce et l’art, ses hésitations le conduisent dès 1942 vers la peinture.

"Elément d'Architecture contorsionniste V"

Dubuffet aime travailler en série : des personnages, la foule, la rue, le métro, des portraits : « Corps des dames et personnages » 1943-1952. Il réalise ses premières oeuvres à l’encre de Chine sur papier puis il utilise l’huile avant d’expérimenter à partir de 1951 tous les matériaux, tous les supports et tous les formats, en supprimant la perspective et le modelé traditionnel. Il recouvre la surface de ses toiles de sable, de gravier, de goudron, plâtre, poussière de charbon, ficelles, petits bouts de miroirs et autres matériaux qu’il travaille ensuite à la truelle, à la cuillère à soupe, au couteau ou avec ses doigts. Comme il veut donner du relief à ses peintures, il s’intéresse dès les années 60 à la sculpture en réalisant des petites œuvres en papier mâché qu’il colore avec des encres ou qu’il repeint à l’huile, puis, prograssivement, il se lance dans la création d’œuvres monumentales. En 1962 il inaugure le cycle le plus long et le plus original dans son œuvre : l’Hourloupe », qui est un langage pictural nouveau composé de cellules tantôt peintes en noir, blanc, rouge et bleu, tantôt hachurées.

L’exposition réunit une sélection exceptionnelle d’œuvres majeures de l’artiste, issues pour la plupart des collections du Centre Pompidou. Le parcours chronologique insiste sur les temps forts de sa production : des chefs-d’œuvre peints, des œuvres sur papier, dessins et gouaches, toutes les facettes de sa création étant illustrées.

Les premiers tableaux réalisés dès 1942 témoignent déjà d’une rupture brutale dans le rendu, en supprimant toute ressemblance (« Les gardes du corps » 1943). Puis ce sont les tableaux réalisés à partir de 1947 où il renonce à tout ordre esthétique pour privilégier la liberté des couleurs et la nouveauté des matériaux. Dans un ensemble de peintures des années 1950 on note la disparition de la figure au profit de la matière (« Métafizyx » et « Texturologie » 1957), des paysages qui ne sont plus que des champs de cailloux, de terre et de sable : la série « Matériologies » avec « Messe de Terre » 1959-60.

Puis apparaissent les alvéoles colorées (Gigue irlandaise 1961) qui inaugurent le cycle de l’Hourloupe (1962-1974) : (Houle du virtuel » 1963). Ce style s’applique aussi bien à la peinture qu’à la sculpture (Figure votive » 1969) et à l’architecture.

L’ultime série des « Non-lieux » clôt une exposition remarquable, celle d’une œuvre des plus novatrices de l’histoire de l’art du XXème siècle.

Brigitte Roussey