Artistes voyageuses, l'appel des lointains 1880-1940, Evian

Evian - Exposition

Palais Lumière

Jusqu'au 21 mai 2023

Boullard-Devé Marie-Antoinette. "Frise de personnages". 1931

Le Palais Lumière d’Evian honore actuellement une quarantaine de femmes-artistes voyageuses avec sa nouvelle exposition qui raconte à ses visiteurs le parcours difficile qu’elles ont dû suivre pour obtenir leur émancipation, leur liberté de créer, d’être artiste et de voyager.

Dans le contexte culturel et sociétal de la troisième République où l’expansion coloniale bat son plein, l’on voit apparaître les premiers mouvements féministes qui cherchent à écarter les femmes de leur espace domestique en prônant l’image d’une femme nouvelle, libre et indépendante financièrement, actrice de son destin. L’exposition présente une bonne sélection d’œuvres réalisées pendant la période allant de la « Belle Époque » à la seconde Guerre Mondiale.

Ackein Marcelle - Les îles du Loos. Conakry. HST 1923

Caire-Tonoir Marie - "Tête de femme Biskra". 1899-1900

Au tournant du XXème siècle l’on voit apparaître un nouvel intérêt pour l’orientalisme, aidé par le tourisme d’hiver en Afrique du Nord et surtout par les nombreux peintres français dits « orientalistes » qui exposent au sein de leur société. Celle de « l’Union des femmes peintres et sculpteurs » fondée en 1881, prend son essor dès 1900 avec l’ouvertures de deux ateliers réservés aux femmes, l’un de peinture et l’autre de sculpture, à l’École des Beaux-Arts de Paris. Grâce à la formation qu’elles y reçoivent, elles acquièrent un certain statut professionnel et obtiennent des bourses de voyages qu’elles utilisent largement pour parcourir le monde dès le début du XXème siècle. Ce sera l’Égypte, la Tunisie et l’Algérie, puis l’Afrique noire, l’Inde, la Chine, le Laos ou Madagascar. À leur retour d’expédition elles présentent leurs œuvres dans les expositions universelles et coloniale.

Aymé Alix. Laotienne devant sa paillote. HST 1930

Flandrin Marthe - "Femme berbère drapée dans son manteau". 1938-39

Le parcours de l’exposition est clair avec plus de 200 peintures, sculptures, dessins, affiches et photographies présentés et regroupés en 7 séquences, chacune illustrant les voyages et les pays visités, du Continent africain à l’Orient. Le public découvre avec curiosité les itinéraires différents de toutes ces femmes : certaines comme Marie-Aimée Lucas-Robiquet (1858-1959) se sont penchées sur la vie quotidienne des Berbères et Marcelle Ackein (1882-1952) sur le Maroc : Bergers au Douar. D’autres profitent des bourses distribuées par la Casa de Vélasquez, inaugurée en 1928 à Madrid, comme Marthe Flandrin (1904-1987) ou Yvonne Mariotte (1909-2001). À partir des années 20 plusieurs d’entre elles se tournent vers l’Afrique Noire, racontée dans les expositions coloniales de Marseille de 1906 et de 1922 : les sculptrices Anna Quinquaud et Jeanne Tercafs (1898-1944) ou Monique Cras. Alexandra David-Neel (1868-1969) a été la première étrangère à entrer dans la Cité Interdite du Lhassa (Thibet) en 1924, et le livre qu’elle publia à son retour d’expédition : « Voyage d’une parisienne à Lhassa » a fait le tour du monde. Ne pas oublier les deux artistes chinoises Pan Yuliang (1855-1977) et Fan Tchunpi (1898-1986), envoyées en France par leur gouvernement pour étudier à l’École des Beaux-Arts de Paris et moderniser la peinture chinoise déclinante. 

Ackein Marcelle. "Bergers au Douar". 1956

Tercafs Jeanne - "Odane" - bronze à patine noire

Grâce à l’expansion coloniale et le tourisme, plusieurs peintres ont pu réaliser de nombreuses illustrations publicitaires et travailler aux décors des grands paquebots. La Compagnie des Messageries Maritimes a demandé à Thérèse le Prat (1895-1966) plusieurs projets pour promouvoir leurs croisières.

Ces artistes-voyageuses à la renommée plus ou moins reconnue, ont toutes laissé une œuvre à découvrir avec plaisir dans sa richesse et sa modernité.

Une exposition passionnante !

Brigitte Roussey