"Sur blanc II", du peintre Vassily Kandinsky

27 Mars 2020

Commentaire artistique

Né à Moscou, Vassily Kandinsky (1866-1944) s’est tout d’abord intéressé au droit et à la musique avant de s’enthousiasmer pour la peinture impressionniste qu’il découvre lors d’une exposition à Moscou en 1895. Il décide de devenir peintre et part se former à Munich. Sa rencontre en 1909 avec les peintres Jawlensky et les Fauves est déterminante pour l’élaboration de son style et de sa palette. Rentré en URSS pendant la guerre de 1914, il y enseigne quelques années avant de quitter définitivement sa patrie pour s’installer en Allemagne. En 1922 il est invité par l’architecte Walter Gropuis à enseigner au Bauhaus de Weimar, ce dernier en étant le fondateur et le directeur. Kandinsky y sera professeur de théorie et de peinture murale jusqu’à la fermeture de l’établissement par les nazis en 1933, qui condamnent également sa peinture car ils la jugent dégénérée. Il décide alors de partir vivre en France ; il est naturalisé en 1939 puis meurt à Neuilly en 1944.

Considéré comme le fondateur de l’abstraction, l’une de ses aquarelles de 1910 est qualifiée pour la première fois « d’abstraite ».

Kandinsky affirme que la peinture est faite pour nourrir l’âme et pas uniquement les yeux, donc, pour lui, elle ne doit plus représenter ce que l’on voit mais plutôt organiser des formes et des variations qui créent des sensations et des émotions, accentuées par la force de la couleur. Aussi écarte-t-il de son œuvre toute abstraction mathématique car sa démarche est avant tout spirituelle et presque mystique.

« Sur Blanc II » 1923, est l’un des tableaux les plus importants qu’ai peint Kandinsky ; d’ailleurs il n’a jamais voulu s’en séparer. C’est une huile sur toile de 105X98 cm, conservée au Musée d’Art Moderne de Paris, Centre Pompidou. Elle porte l’inscription :

MO. D. B. G. : VK 23.

L'une des dernières oeuvres qu’il ait peinte avant de quitter l’URSS est « Dans le Cercle noir » de 1921, qui témoigne de son vocabulaire chromatique déjà mis en place. C’est à Weimar qu’il peint « Sur Blanc II » après avoir réalisé une étude préparatoire très aboutie en 1922.

Tout est codifié dans la composition du tableau : les positions et orientations des lignes, les angles aigus (jaune) et droits (rouge) et les carrés superposés. Le croisement des deux grandes diagonales noires et épaisses marque le centre réel de la composition d’où partent toutes les lignes dans toutes les directions. Plus la ligne est épaisse et plus le son qu’elle engendre est grave, une musique que l’on retrouve dans les 3 lignes parallèles en bas à droite qui évoquent une partition. Dans le triangle du bas de la toile l’on remarque des sortes de petits haricots blancs, des formes biologiques qui sont là pour atténuer la rigueur géométrique du tableau. Les couleurs primaires ne sont pas agressives, le noir évoquant la mort et le blanc la naissance. Le fond blanc du tableau presque carré donne tout son relief à la composition en dispersant les lignes que l’artiste a tracé au tire-ligne. C’est le titre du tableau.

Kandinsky a peint la même année plusieurs œuvres qui appuient ses recherches sur la puissance des lignes et le rôle fondamental de la couleur : « Point blanc » - « Lignes d’intersection » - « Composition VIII »…

Par ses couleurs, ses formes géométriques et le flottement de la composition dans l’espace, on peut rapprocher « Sur blanc II » du suprématisme de Kasimir Malevitch, découvert par le peintre en Russie. Cette toile est une reprise géométrique d’un motif que Kandinsky a peint à plusieurs reprises : celui de Saint-Georges portant une lance. Une peintures majeure qui a influencé de très nombreux artistes.

Brigitte Roussey